Des centaines de personnes ont manifesté samedi 25 février dans les rues de Tunis à l’appel du collectif d’associations appelé Front anti-fasciste. Ils protestent contre les déclarations du président Kaïs Saïed. Il y a quelques jours, le chef de l’État a fustigé l’immigration clandestine, particulièrement d’Afrique subsaharienne, prônant des mesures « urgentes » contre ce qu’il a qualifié de « hordes de migrants clandestins ». Des propos qui ont provoqué un tollé aussi bien dans le pays qu’à l’international.
Des manifestants qui scandent « non au racisme ! » ou encore « Nous sommes tous Africains ! » ce samedi dans le centre-ville de Tunis. Des mots qui en disent long sur la situation actuelle en Tunisie après le tollé suscité par les propos du président Kaïs Saïed sur les migrants subsahariens.
« C’est une réaction au discours du président, nous explique Alaa Talbi, directeur de l’ONG le Forum des droits économiques et sociaux. Nous le qualifions de discours qui instaure une forme de racisme d’État dans un pays où il n’y a pas de lois de protection des migrants… »
Alors que le cortège anti-raciste avance vers l’avenue Bourguiba, les manifestants s’arrêtent et crient leur solidarité avec des migrants subsahariens qui observent la foule depuis leur balcon, sans pouvoir participer, de peur d’être arrêtés…
« So so solidarité avec les migrants du monde entier ! »
Aymen Rezgui, journaliste, est venu leur affirmer son soutien. « Les Tunisiens ne sont pas des racistes, c’est un peuple accueillant. La Tunisie est la capitale de la paix et on sera toujours africains avec nos frères et nos sœurs africaines. On partage le même continent et à Tunis en Tunisie, il n’y aura jamais une place pour les fachos ! »
Une maison de migrants du quartier de la Soukra saccagée
Malgré cet élan de solidarité massif de la société civile, beaucoup de Subsahariens confient ne plus se sentir en sécurité en Tunisie. Des ONG ont recensé près de 300 arrestations arbitraires et certains propriétaires expulsent aussi les migrants locataires, car la loi les oblige à exiger une carte de séjour. Une disposition peu appliquée, avant le coup de vis sécuritaire qui ordonne sa stricte application.
Les migrants subsahariens, visés par Kaïs Saïed, se retrouvent très vulnérables. Une situation inquiétante renforcée par des agressions de migrants dans certains quartiers comme dans la zone de la Soukra, en banlieue Nord de Tunis. Des bouts de meubles encore brûlés au sol, de la vaisselle cassée et des affaires éparpillées partout, saccagées… une résidence occupée par plusieurs migrants subsahariens a été prise d’assaut dans la nuit du jeudi 23 au vendredi 24 février.
Certains acceptent de raconter sous couvert d’anonymat. « Nous étions couchés et il y a des jeunes Tunisiens qui sont venus nous agresser. Ils ont cassé, ils ont cassé tout… », confie l’un d’eux.
Une maison occupée par des migrants attaquée dans le quartier de la Soukra: écoutez le témoignage de ses occupants
Seulement le rez-de-chaussée a été touché, car les agresseurs ont brûlé certains objets et la police est intervenue. Le même migrant lâche les mots prononcés par les agresseurs : « Ils nous ont dit ’’les Noirs, quittez chez nous, on n’a plus besoin de vous chez nous’’. »
Aujourd’hui, cet Ivoirien ne peut pas aller travailler sur les chantiers, de peur d’être agressé ou de se faire arrêter par la police, faute de papiers. Un autre résident est dans le même cas. Il confie avoir le soutien de son employeur tunisien.
« Je lui ai dit que je ne pouvais pas venir au travail parce que je ne savais pas ce qui allait se passer en route. Il m’a dit ’’OK’’, d’attendre trois-quatre jours. Si la situation se calme, je peux venir. »
De nombreux cas d’expulsions de logements
Le propriétaire leur a conseillé de quitter les lieux pour éviter une nouvelle agression. Des ONG tunisiennes et des associations subsahariennes ont recensé, ces derniers jours, de nombreux cas d’expulsions de leur logement de Subsahariens.
Samedi 25 février, dans la soirée, plusieurs témoignages ont rapporté des saccages et vols de biens dans des logements de Subsahariens dans le quartier de l’Ariana, à Tunis, et dans la ville de Sfax, à l’Est du pays. L’ambassade de Côte d’Ivoire, ainsi que celle du Burkina Faso, ont lancé des appels à leurs ressortissants pour les aider à quitter le territoire tunisien, face au sentiment d’insécurité grandissant au sein de la communauté.
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