Tchad: les réfugiés centrafricains craignent d’être oubliés

Entouré de pays en crise, le Tchad vient d’adopter une loi particulièrement progressive et cité par l’ONU comme un modèle en matière d’asile. Un modèle toutefois menacé par l’afflux exponentiel de réfugiés soudanais. Les humanitaires lancent un appel à l’aide pour soutenir les autorités de Ndjamena et ne pas abandonner les 600 000 autres réfugiés déjà présents dans le pays, comme des Camerounais fuyant les exactions de Boko Haram à l’ouest, mais aussi plus de 120 000 Centrafricains au sud.

Elasko Sirikizi est couturier, père de quatre enfants. Depuis dix ans la guerre civile déchire son pays, la Centrafrique. Il a perdu l’usage de ses jambes après cinq années d’errance dans la brousse.

C’est sa femme l’a transporté jusqu’ici  sur son dos. « Même en venant là, on a essayé de forcer madame, on a violé madame… À chaque fois […] elle se rappelle des faits. C’est moi qui la console à chaque fois », explique-t-il.

Il survit grâce à sa machine à coudre qu’il loue 5 000 francs CFA par mois, l’équivalent de 7,50 euros.  « La seule activité du quotidien qui me donne à manger, c’est [uniquement la couture]. Maintenant c’est comme ça. Les gens vont tous vaquer à leurs travaux champêtres parce qu’il pleut, donc il n’y a pas de clients. […] On gère seulement la galère, c’est comme si on est doué pour ça… », ajoute-t-il.

« Je dois me débrouiller… »
Elasko Sirikizi poursuit : « Le marché, c’est à presque 800 mètres… Je ne peux pas me déplacer un km, je ne peux pas. Donc là où je suis là, c’est comme si j’étais prisonnier de la vie », se désole-t-il.

Un marché construit au fil des ans par d’autres réfugiés comme Amadou Yago, un boutiquier qui a fui les raids de la Séléka en 2014. « Dieu merci, ici, je suis en sécurité. Mais bien sûr, je pense toujours à mon pays, on ne peut jamais oublier le pays où l’on est né. Mais jusqu’ici la Centrafrique n’est pas stable, donc je dois me débrouiller ici en vendant les quelques produits que vous voyez. »

Un appel pour une aide internationale pour le Tchad
Faute de retour possible, le HCR tente de soutenir les réfugiés dans leurs activités. Mais depuis le début de la crise au Soudan et l’afflux massif de réfugiés vers le Tchad, les humanitaires ont redirigé vers l’est l’essentiel de leurs moyens matériels financiers et humains.

« Si on ne veut pas qu’une crise humanitaire majeure survienne au Tchad, en plus de la crise humanitaire et sécuritaire qui se déroule au Soudan, c’est maintenant, vraiment maintenant, qu’une aide importante de la communauté internationale pour le Tchad et pour les organisations humanitaires est nécessaire », martèle Jérôme Merlin, chargé des opérations au Tchad pour le Haut Commissariat aux réfugiés.

Les réfugiés centrafricains regardent avec inquiétude vers leur pays où se prépare un référendum constitutionnel controversé qui devrait permettre au président de briguer un troisième mandat et pourrait entraîner de nouvelles violences selon l’ONU.

Partager

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *