Suspension de l’accord céréalier: «Cet accord permettait à l’Ukraine et la Russie d’échanger a minima»

L’accord a expiré lundi soir, la Russie ayant décidé de suspendre jusqu’à nouvel ordre sa participation à l’accord sur l’exportation de céréales ukrainiennes. Depuis un an, cet accord permettait le départ depuis les ports ukrainiens de bateaux chargés de blé, de maïs, ou encore d’orge et de tournesol. De quoi faire baisser un peu les tensions sur les marchés mondiaux de céréales.

La suspension de l’accord fait donc craindre une nouvelle hausse des prix et de l’insécurité alimentaire à moyen terme. Dans l’immédiat elle a aussi une conséquence concrète plus inattendue dans la région d’Odessa, grand port du sud de l’Ukraine mais aussi sur les pays d’Afrique et du Moyen-Orient, explique Anne Garella, responsable des opérations d’Action contre la faim (ACF) pour l’Ukraine, jointe par Justine Fontaine.

RFI : Que représentait cet accord sur l’exportation de céréales dans le conflit russo-ukrainien ? 

Anne Garella : C’était le seul moment de discussion qu’il était possible de créer entre les deux belligérants. Il n’y a aucune avancée diplomatique, aucune discussion – que ce soient les tentatives de pourparlers menées par les Chinois ou par les États africains-, qui ait conduit à une amélioration des conditions de sécurité en Ukraine. On est toujours sur un conflit de très haute intensité. Cet accord céréalier permettait, a minima, aux belligérants russe et ukrainien de pouvoir échanger. Là, ce forum de discussion vient de disparaître.

Ce que l’on observait jusqu’à présent, autour de la région d’Odessa et de la mer Noire, c’était un cessez-le-feu. Donc, il n’y avait que très peu de bombardements, d’attaques qui étaient opérés.

On craint, dans un avenir assez proche, qu’une reprise des hostilités soit observée sur la mer Noire et sur Odessa. Et pour nous, acteurs humanitaires, cela veut dire qu’on risque de ne plus avoir accès à ces zones et surtout, ça veut dire pour les populations qu’elles vont être exposées à davantage de violence, alors que jusqu’à présent, les populations étaient relativement épargnées.

RFI : Au-delà de l’Ukraine et la Russie, quelles vont être les conséquences de cette suspension décidée par Moscou ?

A. G. : On imagine qu’il va y avoir un effet sur les prix, un effet sur la disponibilité des matières qui étaient exportées dans le cadre de cet accord céréalier. Certains pays, notamment en Afrique – l’Afrique du Nord, mais également au Moyen-Orient – sont hautement dépendants du blé qui est exporté d’Ukraine grâce à cet accord céréalier, et on craint une augmentation des prix sur les marchés dans ces pays-là.

RFI : Quels pays sont très dépendants du blé ukrainien, par exemple ?

A. G. : Madagascar, qui est à 100% dépendant de ces exportations de blé, la République démocratique du Congo également, qui est complètement dépendante de ces exportations de blé. Ce sont des pays qui sont déjà déstabilisés par un certain nombre d’événements qui conduisent à une forme d’hostilité entre les communautés dans ces pays. Donc, on peut craindre qu’une augmentation des prix des denrées alimentaires va venir renforcer ces lignes de fracture dans ces pays-là.

C’est le cas de la Mauritanie qui importe 18% de son blé d’Ukraine.

Partager

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *