Soudan du Sud: À Rotriak, zone d’accueil des déplacés, l’aide se fait attendre

Au Soudan du Sud, la région de Bentiu fait face à une crise humanitaire grave. À Rotriak, une localité créée de toute pièce en 2020 pour reloger 50 000 personnes déplacées par les inondations, ONG et autorités tentent de répondre aux besoins immenses, mais les habitants restent livrés à eux-mêmes.

En ce matin chaud de début novembre, une équipe de l’ONG sud-soudanaise Coalition for Humanity roule à grande vitesse depuis Bentiu en direction de Rotriak, sur la route étroite qui traverse la forêt inondée. Les inondations provoquées par le changement climatique ont déplacé des dizaines de milliers de personnes, qui ont perdu leurs moyens de subsistance. De plus, depuis mi-avril, la guerre au Soudan a provoqué le retour de plus 400 000 Sud-Soudanais. Ces rapatriés sont, eux aussi, démunis et viennent grossir les rangs des personnes en besoin d’aide humanitaire. À Rotriak, la situation se complique de jour en jour.
 
« Avec l’afflux actuel en provenance du Soudan, la situation est vraiment complexe à Rotriak, alarme John Muoch, chef de projet au sein de l’association. Il n’y a pas assez de ressources disponibles. Les établissements de santé, ou encore les écoles, sont en nombre insuffisant, car un grand nombre de personnes arrivent du Soudan. Et ce sont des gens qui arrivent complètement démunis. »
 
Une petite foule attend en plein cagnard la distribution d’argent organisée par l’ONG. Ce sont les plus vulnérables qui ont été sélectionnés comme bénéficiaires : femmes seules, rapatriées, femmes enceintes, personnes en situation de handicap… Derrière ce groupe, des anciens se plaignent de ne pas être inclus. Parmi eux, Kai Thor, 70 ans, déplacé par les inondations il y a deux ans : « Tout mon bétail et mes chèvres ont été emportés par l’eau, il ne me reste rien du tout ! se désole-t-il. Nous les personnes âgées, nous sommes venues en nous aidant de nos cannes, mais la plupart d’entre nous ne sont pas enregistrés, nous n’avons reçu aucune assistance ! »
 
Son collègue Phar Mathot, 75 ans, déplacé par les inondations il y a trois ans, renchérit : « Tous ceux qui sont là à nous écouter vont rentrer chez eux bredouille ! Ils iront quémander de l’argent à des connaissances pour pouvoir acheter de la farine. Nous voulons des équipements de pêche. Puisque toute la zone est entourée d’eau, qu’il y a beaucoup de poisson et que personne ne veut nous aider, notre seule issue est de pêcher ! »
 
Les déplacés ont toujours un accès insuffisant aux services de base
À Rotriak, les mieux logés vivent dans des tentes fournies par les compagnies pétrolières, les autres fabriquent des abris. L’eau potable est accessible grâce aux installations des ONG, mais l’absence de soins médicaux est flagrante. Des personnes âgées agonisent dans les tentes, sans aucuns soins médicaux, comme cette vieille femme dénutrie, une morsure de serpent infectée au genou.
 
Nyakuon Gatkuoth a, elle, trouvé de quoi survivre en ces temps difficiles : elle marche quatre heures aller-retour pour acheter du lait au camp de bétail afin de le revendre ici à Rotriak. « J’ai commencé cette activité, car j’avais des difficultés pour nourrir mes enfants, raconte-t-elle. J’avais seulement un dollar pour commencer ! J’ai acheté deux, puis quatre bouteilles, et les ai revendues à Rotriak, et ai gagné 3 dollars. Et ainsi de suite… Maintenant, j’achète deux ou trois jerricans de 5 litres à la fois. »
 
Mais la pression sur les services de base continue de s’accentuer, avec de nouvelles arrivées au Soudan du Sud par milliers, du fait de l’aggravation du conflit au Soudan.

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