Report de la présidentielle au Mali: «Une démarche fallacieuse qui traduit la volonté de se maintenir au pouvoir»

Au Mali, les autorités de transition ont annoncé ce 25 septembre 2023 le report sine die de la prochaine élection présidentielle, ainsi que l’annulation des autres scrutins prévus d’ici là. Bamako accuse une entreprise française d’avoir « pris en otage » une base de données administratives sur l’état-civil malien. L’avocat – et ex-ministre – maître Mamadou Ismaïla Konaté, s’indigne de ces explications : « Cela ne me convainc pas du tout, je pense qu’ils sont partis pour endormir les gens. »

Les autorités maliennes de transition ont annoncé ce 25 septembre 2023 le report de la présidentielle. Initialement prévue pour février 2024, cette élection censée marquer la fin de la transition est repoussée à une date qui n’a pas été fixée. Les autres scrutins, législatifs, municipaux, qui devaient être organisés d’ici-là sont tout simplement supprimés.

Pour justifier cet allongement de la transition, Bamako accuse une entreprise française de « prendre en otage » des données administratives. Maître Mamadou Ismaïla Konaté est avocat et ancien ministre malien de la Justice. Il est indigné par cette justification qu’il juge fallacieuse.

« C’est une démarche de fuite en avant »

« Cela ne me convainc pas du tout, je pense qu’ils sont partis pour endormir les gens, souligne-t-il au micro de David Baché. Il y a un contrat qui a été passé depuis 2018 avec une entreprise de prestation de services, pour un montant de 12 milliards de francs CFA [environ 18 millions d’euros, NDLR], sur lesquels l’État du Mali a déjà payé 7 milliards. Il reste 5 milliards ».

Il poursuit : « Voilà un gouvernement qui sort du bois aujourd’hui pour nous dire : ‘Après avoir organisé le référendum, je ne suis pas en mesure d’organiser l’élection présidentielle et surtout pas les autres élections, j’ai à faire à une société qui prend en otage, qui ne me donne plus l’occasion d’accéder à la base de données Ravec [Recensement administratif à vocation d’état civil, NDLR]. Ce raisonnement n’est pas tenable ! Le gouvernement lui-même reconnaît être redevable d’un montant de 5 milliards de francs CFA ! Je pense que c’est une démarche de fuite en avant. On va de situations difficiles en situations difficiles, qu’ils créent eux-mêmes pour éventuellement justifier la situation d’enlisement. Mais je pense que cela n’est pas supportable du tout pour les Maliens. »

Maître Mamadou Ismaïla Konaté conclut : « C’est non seulement fallacieux, mais cette démarche traduit véritablement la volonté définitivement affichée de se maintenir au pouvoir, en oubliant simplement que la volonté des Maliens doit prendre le pas sur leur volonté individuelle. »

À noter que dans une déclaration transmise à RFI, l’entreprise française Idemia réagit à l’accusation de « prise d’otage » formulée lundi par les autorités maliennes de transition, qui justifient ainsi le report de la future présidentielle. Idemia a été embauchée par le gouvernement malien en 2018 pour opérer le Ravec. « Il n’y a pas de litige en cours entre Idemia et les autorités maliennes, assure l’entreprise française. Idemia s’est même efforcé de soutenir le ministère malien de l’Administration territoriale jusqu’en décembre 2022, au-delà de la durée initiale du contrat, malgré d’importants impayés ». Dans son communiqué, Idemia explique qu’il n’y a plus de contrat en cours et « regrette l’interruption de la collaboration en raison du non-paiement des factures » par les autorités maliennes de transition.

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