L’introduction d’armes de plus en plus sophistiquées, ainsi que le déploiement de moyens aériens par le groupe armé Mouvement du 23 mars (M23) et les Rwanda Defence Forces (RDC) sur le territoire de la République démocratique du Congo, suscitent des inquiétudes en RDC et aux Nations Unies.
Une atmosphère chargée d’émotion règne ce mercredi 21 février 2024 à la base aérienne de Waterkloof alors que les dépouilles du capitaine Simon Mkhulu Bobe et du caporal Irven Thabang Semono viennent d’être rapatriées. Ces deux soldats de l’armée sud-africaine, déployés dans le cadre de la Force militaire de la SADC dans l’Est de la RDC (SAMIDRC), ont perdu la vie le 14 février. Leur base, située à Mubambiro, en territoire de Masisi dans la province du Nord-Kivu, a été touchée par un obus de mortier.
L’armée sud-africaine ne pointe pas directement du doigt le Rwanda voisin ou le groupe armé M23, elle annonce néanmoins l’ouverture d’une enquête. Pour le gouvernement congolais, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une attaque perpétrée par l’armée rwandaise.
Il faut dire que le Rwanda ne tolère pas la présence de cette force déployée par l’organisation d’Afrique australe (SADC) dans l’Est de la RDC. Deux jours avant le décès des deux militaires sud-africains, Kigali avait ouvertement exprimé son opposition au soutien de la Mission de l’organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) à la Force de l’Afrique australe.
Les sources de l’armée congolaise fondent leurs accusations contre le Rwanda notamment sur la qualité des armes dont dispose le M23 et l’armée rwandaise. Contrairement à d’autres fronts, les zones opérationnelles où se trouvent les combattants du M23 et les militaires rwandais se distinguent par la présence d’un arsenal militaire de haute technologie.
Arsenal militaire impressionnant au profit du M23
Le M23 dispose d’un arsenal impressionnant, comme le soulignent les sources onusiennes et les populations encore présentes dans les zones concernées par le conflit. Celui-ci comprend une variété d’armes telles que des fusils d’assaut, des mitrailleuses lourdes et légères, différents types de lance-roquettes, des roquettes, des lance-grenades, des canons sans recul, des obus de mortier, du matériel de vision nocturne, et bien d’autres encore. L’équipement du mouvement s’est considérablement renforcé ces derniers mois, comme le confirme le caractère neuf de ces matériels, qui ne peuvent pas être issus des anciens stocks du M23 datant de 2012 et 2013, indique une note de l’ONU.
Parmi les armes récentes, on trouve notamment des grenades antipersonnel de 40 mm produites en 2021. Les experts des Nations unies signalent également des armes inédites en RDC, telles que des fusils d’assaut de type Galil (israélien) et AK-103 (russe), observés par ces experts pour la première fois sur le territoire congolais le 3 mars 2023 dans un camp mixte du M23 et de la RDF, à Mushaki.
Sur le terrain, les indices de l’utilisation du mortier guidé de 120 millimètres sont particulièrement évidents. Contrairement aux mortiers conventionnels, les mortiers guidés sont équipés de systèmes de guidage permettant un contrôle précis de la trajectoire de l’obus vers sa cible. Cette arme redoutable est capable d’atteindre des objectifs précis, tels que des positions ennemies fortifiées ou des véhicules blindés. Doté d’éléments de mesure au laser et d’une capacité de frappe précise, il présente une forte létalité, selon un expert militaire. D’après des sources onusiennes, cette arme n’avait jamais été repérée sur le territoire congolais ni dans l’arsenal des Forces armées de la RDC (FARDC).
Comment peut-on établir le lien avec l’armée rwandaise et/ou avec le M23 ? En examinant les traces laissées sur le terrain, répondent des sources présentes sur le théâtre des opérations. Par exemple, le 27 février 2023, au nord de Sake, un char T54 des FARDC a été touché par une attaque de mortier. Des combats intenses, impliquant la présence et les opérations des RDF et du M23, ont été documentés dans cette région à ce moment-là.
Un autre cas concerne un obus de mortier guidé de 120 mm non explosé, récupéré par les casques bleus à Murambi, près de Mushaki, en juin 2023. Une présence de l’armée rwandaise avait été signalée dans cette zone à cette période. En outre, le 24 octobre 2023, les restes d’un mortier guidé de 120 mm ont été retrouvés à 15 mètres du camp des FARDC à Kanyamahoro. Ce site avait été bombardé depuis les collines contrôlées par les militaires RDF le même jour, selon des sources congolaises et de l’ONU.
Présence de systèmes anti-aériens
Les moyens aériens jouent aussi un rôle déterminant dans ce conflit, comme l’illustre l’incident du 24 janvier 2023. Ce jour-là, un avion de chasse congolais en vol a été pris pour cible depuis le territoire rwandais. Malgré une aile en feu, le Sukhoi-25 a réussi à atterrir. Kigali a justifié ce tir en accusant le survol illégal de son territoire par l’avion congolais.
Le 18 février 2024, la tension monte d’un cran. Le Rwanda annonce officiellement le déploiement de moyens pour assurer la défense aérienne totale de son territoire, en réponse à l’introduction de drones d’attaque chinois CH-4 par la RDC dans les zones opérationnelles.
Face à la montée de tension, le 20 février, Nicolas de Rivière, représentant permanent de la France auprès des Nations unies, prend la parole lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU. Il affirme fermement que la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC doivent être respectées et dénonce le déploiement de systèmes anti-aériens incompatibles avec les capacités d’un simple groupe armé.
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