Revers judiciaire pour l’opération « Wuambushu » : le tribunal de Mamoudzou a suspendu l’évacuation d’un bidonville à Mayotte qui devait avoir lieu mardi au petit matin, jugeant « irrégulières » les conditions d’expulsion de l’opération contre l’immigration illégale, la délinquance et l’habitat insalubre du gouvernement français.
Le tribunal judiciaire de Mamoudzou a suspendu l’évacuation d’un bidonville à Mayotte, prévue mardi 25 avril au matin, dans le cadre de l’opération « Wuambushu » de lutte contre l’immigration clandestine et de destruction de bidonvilles menée par le gouvernement français, et qui a fait polémique dans ce département français de l’océan Indien.
L’évacuation de ce bidonville, situé à Koungou, à proximité de Mamoudzou, initialement prévue mardi à partir de 6 h locales (5 h, heure de Paris), a été suspendue, la justice constatant « l’existence d’une voie de fait », tenant aux conditions d’expulsion jugées « irrégulières » par les personnes s’opposant à l’expulsion.
« Le préfet de Mayotte prend acte de la décision du tribunal judiciaire de Mamoudzou. Il a demandé aux avocats de l’État de faire appel », a indiqué la préfecture de Mayotte.
À Talus 2, les habitants du bidonville célébraient leur victoire contre l’arrêté d’expulsion. « Je suis trop contente. On a été au tribunal, on a gagné. Rien ne va être détruit, enfin du repos », a déclaré Mdohoma Hadja, 33 ans, habitante du quartier pointant les mains en l’air en signe de joie vers le ciel.
« Finalement, on nous a fait attendre deux heures de temps pour le verdict qui est tombé », a déclaré un autre habitant présent lundi pour l’audience, Hamadi Mohamed. « C’est vrai, le terrain ne nous appartient pas, il appartient au conseil général, mais il nous ont laissé rester ici », ajoute-t-il.
Affrontements
Peu après 6 h, des affrontements sporadiques avaient lieu sur place entre des jeunes du quartier et des forces de l’ordre déployées en grand nombre.
Pas très loin, des émeutes ont eu lieu entre les forces de l’ordre et les habitants du bidonville voisin de « Majicavo Dubaï » dès l’aube, ont constaté des journalistes de l’AFP. Des barricades de poubelles et pneus avaient été installées tout le long de l’axe principal de l’île menant au secteur.
Les forces de l’ordre, prises à partie par des jets de pierres, ont répliqué par des tirs nourris de LBD et grenades lacrymogènes.
Opération controversée
Quelque 1 800 policiers et gendarmes ont été déployés à Mayotte pour l’opération baptisée « Wuambushu » (« reprise », en mahorais) du ministre français de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin.
De son côté, le préfet de Mayotte a assuré que la France n’arrêterait pas l’opération « Wuambushu » lancée au nom de la lutte contre la délinquance et les bidonvilles. « Les opérations (…) de lutte contre la délinquance et contre l’habitat insalubre, avec leurs conséquences sur l’immigration clandestine, on ne les arrêtera pas », avait affirmé lundi Thierry Suquet.
Alors que l’opération controversée du gouvernement est soutenue par deux députés du département, Estelle Youssouffa (Liot) et Mansour Kamardine (LR), l’association Droit au logement (DAL) a appelé dimanche à stopper cette opération « brutale » et « anti-pauvres » et le collectif « Uni-e-s contre une immigration jetable » (UCIJ-2023), qui réunit 400 associations et syndicats, a dit lundi craindre « des violences et atteintes au droit ».
Refus des Comores
La France veut déloger des migrants illégaux des bidonvilles du 101e département français et expulser les Comoriens présents illégalement sur le territoire vers l’île comorienne la plus proche, Anjouan, située à seulement 70 km.
Mais les Comores ont refusé lundi l’accostage d’un navire transportant une soixantaine de personnes. Le Préfet de Mayotte a dit espérer « reprendre rapidement » les rotations de bateaux vers l’île comorienne d’Anjouan.
De nombreux migrants africains, surtout comoriens, tentent chaque année de rallier clandestinement Mayotte dans des traversées hasardeuses, qui prennent souvent une tournure dramatique avec des naufrages.
Faisant géographiquement partie de l’archipel comorien, Mayotte s’est séparée des Comores en 1974, à la suite d’un référendum où les trois autres îles ont choisi l’indépendance. Elle est devenue département français en 2011, les Comores refusant toujours d’y reconnaître la souveraineté de la France.
En 2019, l’île voisine s’était engagée à « coopérer » avec Paris sur l’immigration, en échange d’une aide au développement de 150 millions d’euros sur trois ans.
Avec AFP
Partager