L’État malgache programme-t-il depuis trois ans de « dépouiller les communautés locales de Nosy Mitsio au profit d’un grand projet d’investissement touristique » ? C’est en tout cas ce que les organisations de protection des droits des citoyens en matière foncière dénoncent.Les 2 000 habitants de la plus grande île cet archipel, situé au nord-ouest de Madagascar, entre Nosy Be et Diego, redoutent un accaparement des terres qui les obligeraient à quitter leur île ancestrale.
En 2022, l’État lance un appel public officiel : il recherche des investisseurs pour la construction d’un complexe hôtelier de luxe à Nosy Mitsio.
« Ça nous a fait sursauter ! » confie Mamy Rakotondrainibe, présidente du Collectif Tany, pour la défense des terres malgaches. « Nous avions déjà travaillé sur le cas Nosy Mitsio en 2020 où nous avions appris par les habitants, que toutes les procédures au niveau du foncier – en particulier la délivrance des titres fonciers et des opérations de délimitation des terrains –, étaient gelées ».
Une information que Hajo Andrianainarivelo, le ministre en charge de l’Aménagement du territoire de l’époque, nous confirme. Une mesure, dit-il, prise pour contrer les « demandes obscures de porteurs d’affaires qui gravitaient autour du régime ». « Derrière chaque Malgache qui demande les papiers d’un terrain de plus de 100 hectares dans ces zones touristiques-là, sachez qu’il y a toujours un étranger » affirme-t-il.
« Tout cela va entrainer des conséquences environnementales »
« Un tel projet pour nous est très dangereux », poursuit la militante des droits des populations. « Parce qu’un hôtel 5 étoiles va nécessiter qu’un aérodrome, un grand port soit construit, ainsi que des routes, et tout cela va entrainer des conséquences environnementales et surtout des déplacements de population. Dans presque tous les projets à Madagascar, l’opacité règne de manière grave, comme si les dirigeants ne se souciaient pas du tout des droits d’informations, d’expressions, et de consultation de la population. Et c’est encore le cas, dans ce projet-ci. »
Si Joël Randriamandranto le ministre du tourisme qui a récupéré ce gros dossier, ne cache pas son ambition : « Pour atteindre mon objectif, j’ai besoin d’investisseurs, qu’ils soient nationaux ou internationaux », il réfute cependant les accusations des associations : « on analyse les propositions des investisseurs, on regarde ce qui est bénéfique pour le pays, gagnant-gagnant pour tout le monde, on ne s’enferme pas. Il y a l’aspect social et conservation de l’environnement qui doit être pris en compte. »
Pour le ministre, il ne faut pas parler d’opacité, mais de discrétion, tant que les accords ne sont pas conclus. Concernant ce projet hôtelier, plusieurs investisseurs se sont déjà manifestés. Un semble particulièrement intéresser les autorités malgaches.
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