À Madagascar, la découverte d’une cargaison de riz stockée depuis 2017 qui a été discrètement reconditionnée a entraîné les arrestations d’une dizaine de personnes, dont plusieurs personnalités. Explications.
C’est une affaire de riz avarié qui secoue la Grande Île depuis fin décembre et qui éclabousse, dans son sillage, des personnalités influentes. Peu avant les fêtes, un journaliste de Majunga, ville portuaire de l’ouest de Madagascar, révèle des opérations étranges sur une cargaison de riz stockée au port depuis 2017 : au lieu d’être incinérée, la céréale désormais impropre à la consommation, fait l’objet d’un reconditionnement.
Fin décembre, les gendarmes de Majunga constatent la présence de sacs remplis de ce riz avarié reconditionné dans des camions. Dans l’entrepôt où étaient stockées les quelque 1 300 tonnes de céréale depuis plus de six ans, des machines agricoles pour nettoyer les grains sont aussi découvertes. Le propriétaire des machines et certains des employés sont alors placés sous mandat de dépôt et incarcérés.
Onze personnes placées sous mandat de dépôt
L’enquête se poursuit à Antananarivo et donne lieu à de nouvelles arrestations, ces derniers jours, explique le colonel Tahina Ravelomanana, commandant de la Section de recherches criminelles de la capitale : « Il y a le directeur du ministère du Commerce de Boeny-Majunga et le Préfet de région Boeny qui ont été déférés au Pôle anti-corruption d’Antananarivo et qui ont été placés sous mandat de dépôt. »
Quant au député intercepté samedi à l’aéroport alors qu’il s’apprêtait à embarquer pour Maurice, « il fait aussi l’objet d’une convocation au Pôle anti-corruption et a été entendu ce lundi en tant que témoin, à l’instar du gouverneur de région », précise le commandant.
Pour l’heure, 11 personnes ont été placées sous mandat de dépôt. Quatre d’entre elles ont été placées en détention préventive à la maison centrale d’Antanimora, dans la capitale. Les interrogatoires se poursuivent.
Si ces autorités locales font l’objet d’enquêtes, c’est parce que leur signature apparait sur un document confidentiel qui a fuité, autorisant l’évacuation de la marchandise avariée en dehors du port.
« Comment se fait-il que le ministère du Commerce n’ait pas demandé la destruction de la cargaison ? »
Contactés, des spécialistes de la filière s’interrogent. « Comment se fait-il que le ministère du Commerce n’ait pas demandé la destruction de la cargaison depuis toutes ces années ? Pourquoi n’est-ce pas lui qui a signé la lettre d’enlèvement de la marchandise et est-ce le ministre de la Justice qui a finalement ordonné récemment l’incinération du riz ? »
De son côté, un ancien importateur souligne : « Le ministre du Commerce actuel, importateur notoire de denrées depuis des décennies, connait trop bien les procédures en vigueur. » Il s’étonne : « Pourquoi une telle inertie, alors ? »
Ce 8 janvier, les autorités ont annoncé avoir mis la main – à Tamatave cette fois – sur de nouveaux conteneurs de riz avarié en train d’être reconditionnés. Des découvertes en série, en pleine période de soudure, qui laissent déjà présager une nouvelle hausse du prix du riz.
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