Les drones sont devenus indispensables sur le front de la guerre en Ukraine. Plus aucune unité militaire ne peut se passer de ces outils discrets, légers et bon marché, qui permettent aux soldats de mener des missions de reconnaissance sans se mettre en danger et peuvent transmettre des informations capitales sur le lieu exact des positions ennemies. Reportage dans la région de Kramatorsk où des entreprises ukrainiennes forment gratuitement les soldats de l’armée au maniement de ces appareils, symboles de la guerre moderne.
Les leçons se passent en plein air, sur un terrain vague jonché de carcasses de tanks, de miradors et de citernes de gaz. Le décor est parfait : on se croirait sur un champ de bataille. Les deux formateurs, Micha et Vladlen, fouillent leur coffre et en sortent quatre matelas. La mission de leurs élèves, c’est de retrouver ces cibles fictives au milieu du relief : « On disperse ces matelas un peu partout sur la base et ils vont venir survoler cette zone pour trouver les cibles. D’abord, il faut qu’ils arrivent à les repérer et, le plus important, quand ils les ont vues, ils doivent être capables de replacer ces cibles sur une carte pour retrouver leurs coordonnées. »
Les soldats s’entraînent sur un modèle chinois grand public. Le Mavic-3, prix de vente : 3 500 dollars. C’est le drone de reconnaissance le plus répandu sur le front du Donbass. Un petit quadrimoteur à hélices, 40 cm d’envergure, commandé à distance grâce à son écran de contrôle. Première prise en main pour cet officier qui n’a jamais piloté : « Ça me fait flipper, j’ai peur de le casser et j’ai peur de le perdre ! »
En réalité, il s’en sort très bien. Avec sa manette très proche d’une console de jeu, l’oiseau s’apprivoise en quelques heures. Mais le nerf de la guerre, ce n’est pas le pilotage, c’est la navigation : prendre une carte et savoir dire « je viens de survoler une cible au nord de ce pont, à côté de cette route », ça ne s’improvise pas : « Pas mal de mes contacts qui étaient montagnards ou randonneurs avant la guerre connaissaient les cartes topographiques, savaient s’orienter par rapport au relief et ils ont pu mettre ce savoir-faire en œuvre en entrant dans l’armée. Mais pour former un bon pilote de drone à partir de rien, il faut plusieurs mois sur le champ de bataille. »
Changements de saisons, destruction ou création de nouveaux bâtiments, tout ce qui modifie le paysage va perturber la reconnaissance des lieux et induire le pilote en erreur. Mais surtout, il y a les brouilleurs d’onde radio. Utilisés aussi bien par l’Ukraine que par la Russie pour parasiter les communications de l’ennemi : « Ici, on est sur une base sensible, il y a un brouilleur d’ondes radio. Si on dépasse 150 mètres d’altitude, on entre dans le champ du brouilleur. On perd le signal GPS, ça veut dire que les étudiants vont devoir s’orienter juste avec les yeux, et c’est exactement ce qui va leur arriver sur le champ de bataille. C’est pour ça que c’est hyper important qu’ils apprennent la navigation visuelle. »
En moyenne, les militaires suivent quatre jours de formation, c’est le minimum vital avant d’être lancés sur le front.
Partager