New Delhi a passé, jeudi 16 mars, une commande d’équipements militaires pour un montant de 8 milliards d’euros. Des missiles, des hélicoptères, des canons et systèmes de défense électroniques… Décryptage de la stratégie militaire de l’Inde.
Lundi 13 mars, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri) a publié son rapport annuel sur l’armement. Alors que l’Inde a passé dans la semaine une commande colossale d’équipements militaires, on a appris dans le rapport du Sipri que le pays est le premier importateur mondial d’armes.
Le « Make in India » à la traîne
L’Inde fait face à deux impératifs contradictoires. D’un côté, augmenter ses capacités militaires rapidement face à menace de la Chine à ses frontières et dans la zone indo-Pacifique et face au Pakistan. De l’autre, parvenir à produire des armes sur son sol plutôt que de les importer, dans le cadre du grand programme d’« Inde autosuffisante » brandi par le Premier Ministre, Narendra Modi. Mais force est de constater que le « Make in India » ne parvient pas vraiment à progresser dans le domaine militaire.
Siemon Wezeman de l’Institut de Stockholm, explique : « Depuis la fin de la Guerre froide, l’Inde est en tête des importations d’armes dans le monde. Elle n’arrive pas à faire face aux problèmes techniques de la production sur son sol. L’industrie publique de l’armement est lente et bureaucratique. Le missile BrahMos, commandé récemment, est par exemple développé en Russie. En fait, comme l’Inde est trop lente à concevoir ses technologies, les armes sont parfois fabriquées sur son sol mais la plupart du temps sous licence étrangères. »
Au cours de la période 2018-22, l’Inde a représenté 11% de toutes les importations d’armes du monde, devant l’Arabie saoudite (9,6%).
La Russie, depuis l’ère de l’Union soviétique, est un très important allié et fournisseur militaire pour New Delhi. La guerre en Ukraine n’est pas sans conséquence pour l’Inde pour son approvisionnement en armes et son positionnement géopolitique : l’Inde fait face à des retards de livraisons depuis que la Russie est engagée dans la guerre ; mais d’un autre côté, elle veut aussi profiter de la nouvelle donne géopolitique pour nouer de nouvelles relations commerciales avec Moscou.
De nouvelles relations commerciales pour un pétrole pas cher bien sûr, mais cela va plus loin. Le ministre des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, a assuré à la Russie qu’il allait permettre de contourner les sanctions et payer en roupies-roubles.
Siemon Wezeman juge qu’un changement profond prendra du temps. « Il est trop tôt pour savoir si la guerre va réduire la dépendance de l’Inde à la Russie, poursuit-il. Quand les États-Unis demandent de ne pas acheter aux Russes, l’Inde répond que ça ne se décrète pas. Une large partie de son armement est russe et dépend de pièces de rechange spécifiques. Ce qui est clair, c’est que l’Inde cherche à diversifier ses importations. Et la France est désormais son deuxième fournisseur. »
Selon le rapport du Sipri, la Russie compte pour 45% des achats militaires de l’Inde, suivie par la France avec 29% et les États-Unis avec 11%. Des chiffres plutôt stables par rapport à l’année précédente.
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