Les diplomaties du G20 se réunissent au Brésil, plus désunies que jamais

Ces mercredi et jeudi, la ville de Rio de Janeiro accueille la première réunion des ministres des Affaires étrangères des principales économies du monde. Antony Blinken et Serguei Lavrov se sont réunis à la même table pour la première fois depuis un an. Le sommet a lieu au lendemain de déclarations polémiques du président brésilien comparant le conflit à Gaza à la Shoah.

C’est avec une critique du Conseil de sécurité des Nations unies que le ministre brésilien des Affaires étrangères a ouvert le G20 à Rio, rapporte notre correspondante sur place, Sarah Cozzolino. Devant l’assemblée, Mauricio Vieira a dénoncé la « paralysie inacceptable » de l’organisation face aux conflits en cours, en Ukraine et dans la Bande de Gaza. « Les institutions multilatérales ne sont pas suffisamment équipées pour faire face aux défis actuels, comme l’a démontré l’inacceptable paralysie du Conseil de sécurité au sujet des conflits en cours. Cette inaction implique directement la perte de vies humaines », a déploré le ministre. « Le Brésil n’accepte pas un monde qui résout les différends avec l’usage de la force militaire », a-t-il poursuivi. Ce mardi, Washington a mis son veto au projet de résolution à l’ONU d’un cessez-le-feu immédiat dans la Bande de Gaza.

De leur côté, les États-Unis, premier soutien d’Israël, ont critiqué les propos polémiques du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva comparant la guerre à Gaza à la Shoah. Lors d’une rencontre avec Lula mercredi matin à Brasília, le secrétaire d’État américain Antony Blinken « a clairement fait part de notre désaccord sur ces propos », a dit un responsable du département d’État sous couvert d’anonymat. La tension entre le Brésil et Israël, qui a déclaré Lula persona non grata, n’a cessé de monter depuis la déclaration de Lula dimanche. « On ne pense pas forcément qu’aller dans une surenchère rhétorique aide aujourd’hui à aller vers la paix », a confié une source diplomatique française. La tempête provoquée par le chef d’État brésilien éclipse largement la réunion du G20, qui est pourtant selon lui « le forum le plus à même d’influer de façon positive sur l’ordre du jour international ».

Le changement climatique, « menace existentielle »

Ce G20 signe les retrouvailles entre Antony Blinken et Sergueï Lavrov, deux ans tout juste après le début de l’invasion russe en Ukraine. Ce mercredi, le président américain Joe Biden s’est emporté à l’encontre de Vladimir Poutine : « La menace existentielle, c’est le changement climatique. Il y a bien ce salopard cinglé qu’est Poutine, et d’autres, et il faut toujours s’inquiéter d’une guerre nucléaire, mais la menace existentielle pour l’humanité, c’est le changement climatique », a lancé le démocrate en campagne, lors d’un bref discours auquel assistait un petit groupe de journalistes. Dans ces propos rapportés et traduits par l’AFP, il a qualifié son homologue russe de « SOB », acronyme anglais de son of a bitch. Une insulte généralement traduite en français par « fils de pute », mais employée couramment et de manière parfois moins grossière dans le monde anglophone, comme le rappelait Libération dans un décryptage sémantique en janvier 2022, lorsque le président de 81 ans avait déjà employé cette prose à l’adresse d’un journaliste de Fox News. Quoi qu’il en soit, les trois lettres ne devraient pas profiter à l’apaisement à Rio.

Malgré les pressions de pays occidentaux en vue de condamner l’invasion russe, le précédent sommet du groupe, en septembre à New Delhi, avait accouché d’un communiqué final vague. Le texte dénonçait l’usage de la force, mais sans citer la Russie de Vladimir Poutine, qui entretient des liens étroits avec des membres du G20 comme l’Inde et le Brésil. Le ministre britannique des Affaires étrangères David Cameron compte de son côté profiter de sa présence au G20 pour dénoncer « l’agression russe » en Ukraine « directement » auprès de son homologue russe, selon un communiqué de son ministère. Samedi, les membres du G7, qui comprend États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Canada, tous alliés de l’Ukraine, devraient discuter au cours d’une réunion virtuelle d’un durcissement des sanctions contre Moscou.

Dans un contexte aussi lourd, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a cependant souligné l’importance d’une enceinte comme le G20 : « Nous avons besoin de montrer que le multilatéralisme fonctionne en temps de crise », a-t-il écrit sur X.

Le ministre brésilien Mauricio Veira a également critiqué les dépenses militaires dans le monde, bien plus élevées que les dépenses en matière de réduction de la pauvreté ou de développement durable. « Si les inégalités et le changement climatique constituent des menaces existentielles, je ne peux pas m’empêcher d’avoir la sensation qu’il nous faut des mesures concrètes sur ces questions. »

Avec cette réunion, le Brésil tente de se positionner comme l’un des porte-parole des pays du Sud et médiateur des conflits en cours. Même si le sommet n’a pas de pouvoir de décision, la réforme de la gouvernance mondiale devrait être au cœur des débats du G20 cette année. Au mois de novembre 2024, les chefs d’États des pays qui composent l’organisation seront à nouveau réunis à Rio.

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