Le pari économique du président du Nigeria

Au Nigeria, les premières mesures prises par le nouveau président pour relancer l’économie ont agréablement surpris les investisseurs. Mais parmi les ménages, elles sont durement ressenties. En témoigne le chiffre de l’inflation publié hier, lundi 17 juillet, qui continue à grimper.

Elle culmine à 22,7 % en juin, légèrement au-dessus du mois de mai. Les réformes radicales menées depuis six semaines par Bola Tinubu n’ont donc pas encore amélioré le quotidien des Nigérians. Elles ont sans doute au contraire aggravé la flambée des prix. Le nouveau président en est bien conscient et se concentre depuis quelques jours sur les urgences sociales.

Vendredi 14 juillet, il a déclaré l’état d’urgence alimentaire car les prix des denrées de base s’envolent encore plus vite que les autres. Grâce à une enveloppe de la Banque mondiale, il a aussi annoncé une aide mensuelle de 10 dollars pendant six mois en faveur des 12 millions de ménages parmi les plus pauvres pour contrebalancer le doublement, voire même le triplement, des prix du carburant depuis la suppression de toutes les subventions. C’est l’une des toutes premières décisions qu’il a prises, une mesure très douloureuse dans un pays où 40 % des 220 millions d’habitants survivent dans un état de grande pauvreté.

Soulager les finances publiques
Sous les huit ans de présidence de Buhari, la dette nigériane a explosé : elle s’élève environ à 90 % du PIB et surtout, elle coûte très cher. Le FMI a averti : à ce rythme, le service de la dette absorbera toutes les recettes publiques à partir de 2026. Éliminer ces 10 milliards de dollars de dépenses annuelles redonnera un peu d’air aux finances publiques.

Le président a aussi suspendu le contrôle des changes, et limogé dans la foulée le gouverneur de la banque centrale, poursuivi en justice pour manipulation de la monnaie. Il a été l’artisan du soutien artificiel au naira voulu par l’ancien président. Ce protectionnisme avait fait fuir les investisseurs et creusé le fossé entre le taux de change officiel et celui du marché noir. Aujourd’hui, ce grand écart s’est refermé mais le naira continue à plonger puisqu’un dollar s’échangeait hier contre 820 nairas.

Une politique économique très favorable au secteur privé
Les entrepreneurs vont pouvoir emprunter plus facilement car les réserves obligatoires des banques commerciales vont baisser à partir du 1er août. Plusieurs taxes ont été récemment supprimées pour doper les affaires, notamment la taxe sur les télécommunications ou encore la toute nouvelle taxe sur le plastique.

Bola Tinubu ne s’embarrasse pas trop de considérations écologistes : pour stimuler la production agricole, le président prévoit d’augmenter les surfaces cultivées en déforestant, ce qui est rendu possible dans le cadre de l’état d’urgence alimentaire. Au Nigeria, la croissance est plus urgente que la lutte contre le réchauffement climatique.

Un tournant libéral qui enchante les marchés
Le coût de la dette nigériane s’est soudainement détendu et la bourse s’est emballée, grimpant jusqu’à un sommet qu’elle n’avait plus atteint depuis 15 ans. Les investisseurs étrangers ont été agréablement surpris par les réformes, mais ils attendent encore avant de revenir alors que la pauvreté pourrait s’aggraver dans les prochains mois. C’est donc un quitte ou double que tente le nouveau président du Nigeria.

Les « Tinubunomics » pourraient doubler le taux de croissance dès 2024 et faire enfin décoller la première économie du continent, laissant l’Afrique du Sud loin derrière, enlisée dans ses problèmes de corruption et de gouvernance. Mais le plus grand pays d’Afrique de l’Ouest a ses propres fragilités outre l’inflation, la pauvreté, l’endettement et le chômage. C’est pourquoi le moindre coup de froid sur l’économie pourrait compromettre le traitement de choc administré par Bola Tinubu.

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