Le cours du cacao atteint des sommets. La barre fatidique des 4 000 dollars la tonne a été dépassée il y a quelques jours alors qu’elle était aux alentours de 2300 dollars, il y a un an. Les producteurs, notamment ivoiriens, n’en profiteront que l’année prochaine.
Dans le sud de la Côte d’Ivoire, il a beaucoup plu pendant la saison sèche. Les principales zones cacaoyères ont souffert du changement climatique. À cause de l’humidité trop importante, les cabosses ont pourri sur les arbres. Par ricochet, le prix augmente parce que les marchés redoutent une baisse de la production. Elle atteindrait même les 25 % selon le Conseil café cacao ivoirien, ce qui n’est pas confirmé par tous les observateurs. Mais que l’on soit sur un effondrement ou sur une baisse limitée, la Côte d’Ivoire reste le pays de référence. Cela pousse à une surréaction des marchés et à ces augmentations.
Ces cours qui s’envolent ne sont pas forcément synonymes de profit pour les producteurs. Sur une tablette de chocolat, ils ne récupèrent que 6 % du prix. Une hausse des cours devrait normalement leur profiter, ce sera le cas, mais pas tout de suite. Leurs revenus sont fixés en début de récolte en octobre par les États – en Côte d’Ivoire, il est de 1 000 francs CFA le kilo de fève. Chaque année, ces prix sont recalculés en fonction des cours de l’année précédente. « Le système des prix est ainsi fait que les ventes sont anticipées à 12, voire à 18 mois. Donc les expéditions d’aujourd’hui se basent sur des prix d’il y a un an, explique Michel Arion, directeur de l’Organisation mondiale du cacao (ICCO) basée à Abidjan, la vraie traduction de la hausse des prix pour le paysan se fera l’année prochaine ».
Les multinationales font pression sur les prix
Nouveauté en ce début de saison, en face, la demande industrielle est également morose. Certes, la demande générale en cacao ne faiblit pas, le chocolat se vend bien, mais les acheteurs qui transforment les fèves sont frileux. Le broyage de ces fèves est en baisse. En fait, les multinationales jouent la montre, au prix d’aujourd’hui, elles ne se pressent pas pour acheter et demandent aux États producteurs de faire des efforts. Ce bras de fer ne devrait pas durer, selon Michel Arion : « Les grandes entreprises transformatrices ont à leur disposition la récolte d’aujourd’hui et surtout leurs stocks que l’on a estimés à trois ou quatre mois. Guère plus. S’il y a temporisation des achats en vue d’obtenir une baisse de prix, elle ne va pas pouvoir durer longtemps ».
Michel Arion, directeur de l’ICCO, plaide pour un triplement du prix du cacao afin de mieux rémunérer les producteurs. « Payer plus pour un cacao durable » : ce sera le thème principal de la 5e conférence mondiale du cacao en avril 2024. On y verra alors plus clair sur l’état réel de la récolte 2023-2024.
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