La Libye est encore sous le choc après les inondations meurtrières provoquées par le passage de la tempête Daniel sur la côte est du pays. Cette catastrophe intervient dans un pays ravagé par douze ans de conflits, où une embellie de l’économie était espérée pour cette année.
Avec les plus grandes réserves de pétrole de toute l’Afrique, la Libye est un pays riche. Le PIB par habitant, plus de 6000 dollars par tête, est parmi les plus élevés du continent. Mais depuis la chute de Kadhafi en 2011, la production d’hydrocarbures, et donc l’économie, sont totalement soumises aux aléas des guerres qui opposent le gouvernement officiel basé à Tripoli à l’autorité du général Haftar qui règne sur la Cyrénaïque, à l’est du pays. Une guerre fortement motivée par la captation de la rente pétrolière. En 2020, puis à nouveau en 2022, l’économie est entrée en récession parce que les combats ont contraint les sociétés pétrolières à suspendre la production. Cette production est remontée à 1 million 200 000 barils par jour. On est encore loin des 1,6 millions barils de 2010. Mais ce retour progressif à la norme suffit pour relancer la croissance. Elle pourrait rebondir d’au moins 15% a pronostiqué le FMI. Le Fonds monétaire international est revenu au printemps pour évaluer la situation économique, après dix ans d’absence.
Plusieurs compagnies pétrolières occidentales ont repris leur activité qu’elles avaient gelées à cause de la guerre civile
En raison de l’accalmie des combats, l’Italien ENI, le Britannique BP et la Sonatrach, la compagnie algérienne, ont annoncé le mois dernier la reprise de l’exploration sur des blocs en sommeil depuis une dizaine d’années. La guerre en Ukraine et les sanctions sur le pétrole russe ont créé des opportunités pour la Libye. Aujourd’hui 85% du pétrole libyen est acheté par les pays européens. En début d’année, ENI, le géant italien des hydrocarbures, a signé un pacte qualifié d’historique avec la NOC, la compagnie nationale libyenne pour exploiter deux gisements gaziers au large des côtes. Montant du projet : 8 milliards de dollars.
La Libye veut maximiser les profits avant que la lutte contre le réchauffement ne tue sa poule aux œufs d’or. Elle voudrait parvenir à 2 millions de barils par jour d’ici quatre ans. Le pays est très peu endetté, et il dispose encore de réserves de change solides ; mais sans la paix, impossible d’exploiter son potentiel pour diversifier son économie et la préparer à l’après-pétrole. La banque centrale a été enfin réunifiée au mois d’août. C’est une étape décisive pour que la paix s’installe, car c’est par la banque centrale que transitent les revenus pétroliers revendiqués par les deux gouvernements du pays.
Cette embellie profite-t-elle à la population ?
Cela dépend des régions. Cet été les habitants de Tripoli, à l’ouest, ont enfin vécu la saison la plus chaude de l’année sans coupures d’électricité. Un signe d’amélioration tangible de la gouvernance de la compagnie nationale d’électricité. Les pannes qui pouvaient durer jusqu’à 20h d’affilée étaient insupportables quand le thermomètre grimpe jusqu’à 40°, et néfastes aux affaires. Le commerce du frais par exemple était totalement soumis aux aléas du courant.
Mais sur la côte orientale dévastée par la tempête Daniel, la population n’a pas vraiment ressenti d’amélioration
La ville de Derna, la plus accablée par les inondations, était passée sous le contrôle des islamistes. Elle a été reprise par les forces du général Haftar en 2019. A cause de cette insécurité, mais aussi parce que la nouvelle autorité de la ville se méfie de la population, aucun grand investissement n’a été réalisé sur place depuis une dizaine d’années. Les deux barrages qui ont cédé, engloutissant ainsi le quart de la ville, ont été construit par des entreprises yougoslaves dans les années 70. Cela fait des années que des scientifiques ont identifié les problèmes d’érosion de ces deux constructions. Un rapport publié l’an dernier par une université libyenne pointait les besoins urgents de maintenance pour faire face justement aux risques d’inondation.
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