Prévu jusqu’au 11 mars dans 14 départements, l’exercice « Orion » – qui se déroule en ce moment dans le sud de la France – doit permettre à l’armée française de se préparer à un conflit de haute intensité contre un État ennemi de force égale. Programmée depuis 2020, cette opération qui mobilise 7 000 militaires français prend une signification plus grande encore depuis l’invasion russe de l’Ukraine, il y a un an.
La France est en guerre. L’ennemi s’appelle « Mercure », un État puissant qui a déployé des milices séparatistes sur le territoire de l' »Arnland ». Pour contrer cette opération de déstabilisation, Paris a décidé d’une intervention risquée dans ce pays allié avec pour objectif l’installation d’une tête de pont dans une zone contrôlée par l’ennemi.
Après une phase de préparation, l’exercice « Orion 23 » est entré dans le vif du sujet ce week-end avec une vaste opération aéroportée samedi dans le Tarn puis un débarquement amphibie de 700 soldats et de 150 véhicules dimanche sur le littoral méditerranéen.
« Les dernières opérations amphibies menées par la France concernaient des évacuations de ressortissants, au Yémen en 2015 et en Côte d’Ivoire en 2012 », rappelle le lieutenant de vaisseau Dewy, responsable de la flottille amphibie mobilisée ce dimanche.
D’où l’importance pour l’armée de répéter ses gammes en se projetant dans un conflit à grande échelle après vingt ans de lutte antijihadiste. Pour les soldats français, la dernière ouverture de théâtre de cette ampleur en conditions réelles remonte à l’opération Serval au Mali, en 2012, quand les soldats français avaient repris la ville de Tombouctou.
« Cette préparation-là est absolument essentielle, et j’espère qu’à l’avenir, ce sera reproduit régulièrement pour que nous retrouvions des savoir-faire en termes de gestion de grandes masses interarmées que nous avons perdus puisque pendant deux décennies, nous nous sommes focalisés sur des petites opérations sur des espaces réduits et des moyens relativement limités », explique à RFI le général Vincent Desportes.
L’Ukraine dans toutes les têtes
Terre, mer, air, spatial, cyber… Dans ce scénario de crise internationale, toutes les composantes de l’armée se retrouvent sur le pied de guerre. Un scénario travaillé pendant trois ans, dont la guerre qui fait rage en Ukraine a confirmé la pertinence.
Dans un contexte de bouleversement de la géopolitique mondiale, le recours à la force n’est désormais plus un tabou et la perspective d’un conflit majeur ne relève plus de la science-fiction. « Le conflit en Ukraine nous réapprend la guerre de haute intensité », qui se joue « sur tout le registre de la guerre moderne », explique le général Nicolas Le Nen, commandant des opérations interarmées.
Des incidents cyber sont notamment provoqués pour tester la réponse des troupes, précise le capitaine de vaisseau Olivier, du commandement cyber. Et sur un réseau social simulé, « on produit des narratifs pour ne pas se laisser imposer le récit de l’adversaire », souligne-t-il.
Cette campagne d’exercice associe une série de partenaires européens dont l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique, l’Italie et l’Espagne, ainsi que les États-Unis.
Après plusieurs décennies de coupes, Emmanuel Macron a promis aux armées un budget de plus de 400 milliards d’euros sur la période 2024-2030, dans le cadre de la future loi de programmation militaire (LPM), soit un tiers de plus que l’enveloppe de la précédente LPM. L’ambition du gouvernement est à la fois de moderniser les armées mais aussi de reconstituer des stocks de munitions, dont le niveau est jugé « préoccupant » par un récent rapport parlementaire, en cas de conflit de haute intensité.
12 000 militaires mobilisés au printemps
Avec un coût évalué à 35 millions d’euros, « Orion » est d’une ampleur inédite. L’armée n’avait pas mené d’exercice de ce niveau depuis plus de vingt ans. Indispensables pour se préparer au scénario du pire, ces démonstrations de force servent aussi à dissuader des puissances rivales d’engager des actions hostiles.
Après les grandes manœuvres de ce week-end, les troupes françaises doivent investir le massif de la Gardiole, au nord de Frontignan. Une phase qui se poursuivra jusqu’au 11 mars. Mais l’apogée de l’exercice est attendu au printemps lorsque les armées simuleront un affrontement aéroterrestre de haute intensité contre l’État fictif « Mercure », avec le déploiement de 12 000 militaires dans le nord-est de la France.
Entre ces deux grandes séquences, une phase civilo-militaire sera centrée sur les différents moyens de soutien civil aux armées en cas d’engagement majeur (santé, transport…), les réserves et la lutte informationnelle.
L’exercice doit s’achever en mai et devrait mobiliser 2 300 véhicules, 40 hélicoptères, une centaine de drones ou encore 30 bâtiments de la marine nationale, dont le porte-avions Charles de Gaulle.
Avec AFP
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