Ce samedi, on vote au Nigeria pour la présidentielle et les législatives, un scrutin crucial pour le pays le plus peuplé du continent. Après deux mandats consécutifs, le président Muhammadu Buhari ne se représente pas. Il y a beaucoup d’incertitudes autour de ce vote, engendrées notamment par les pénuries. Même la commission électorale a alerté sur le manque de carburant. Une réalité qui épuise les Nigérians au quotidien.
Du portail blanc de la station essence du quartier Dogon Karfe jusqu’au virage suivant, il y a un long chapelet d’une soixantaine de véhicules à l’arrêt. Les quinze premiers auront peut-être du carburant aujourd’hui. En septième position, Kamji, entrepreneur agricole, est dans la file d’attente depuis plus de 24 heures.
« Si je n’ai pas d’essence, ils ne pourront pas voter »
Cet homme, qui a la cinquantaine, garde son calme malgré la fatigue : « Nous étions là vers 7 heures du matin, hier. J’espère qu’il y aura du carburant, que je puisse voyager dans ma région d’origine, c’est à environ 150 km. Il n’y a pas que moi. Nous devons y aller en famille. Si je n’ai pas d’essence, ma famille devra rester, ils ne pourront pas voter. »
Pour le relayer, son frère cadet, Daniel, étudiant en sociologie, a dormi dans la voiture. Il a fait froid cette nuit. Il se dégourdit les jambes près du véhicule, les yeux rougis par la fatigue : « À tout moment je dois l’aider, mais j’avais d’autres engagements. Tout laisser pour venir l’aider dans cette galère, ça génère du stress. Cette situation générale me pèse. »
A moins de cent mètres de la station essence, sans se cacher, des revendeurs écoulent le carburant trois fois le prix officiel. Kamji ne peut pas se permettre une telle dépense. Sa colère rentrée pointe dans voix : « Rien ne fonctionne normalement. Vous gagnez votre vie ? Il faut quand même attendre, attendre, attendre pour avoir de l’essence, et vous n’êtes même pas sûr d’en avoir. Tout est incertain ; je dois voter pour quelqu’un qui va changer les choses au Nigeria. Au moins, nous avons pris une décision en famille pour tenter une direction qui, nous espérons, va nous aider. »
Il est 10h passé, le portail blanc de la station essence est encore fermé. S’il parvient à voyager, Kamji dit qu’une chose est sûre, il ne votera ni pour le parti au pouvoir, ni pour un candidat âgé, balayant sans les nommer les deux poids lourds des deux principaux partis.
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