Depuis une semaine se tient la session parlementaire annuelle. Elle marque le début d’un nouveau mandat inédit pour Xi Jinping, et le départ du Premier ministre Li Keqiang qui avait été nommé à ce poste le 15 mars 2013. C’est Li Qiang, un proche de Xi Jinping, membre du comité permanent du bureau politique du Parti communiste chinois, qui lui succède. Portrait.
Avant le dernier congrès du Parti communiste chinois, en octobre dernier, peu de gens en dehors de Chine avaient entendu parler de Li Qiang, et se doutaient encore moins qu’il allait devenir le deuxième homme le plus puissant de l’appareil d’État. Mais lors de la présentation du comité permanent du bureau politique de parti, on a vu le secrétaire général du parti à Shanghai marcher juste derrière Xi Jinping. Propulsé numéro deux du politburo, la promotion de ce responsable sans expérience au niveau du gouvernement central a de quoi surprendre.
À 63 ans, Li Qiang est un politique de carrière qui a gravi les échelons comme cadre local dans sa province natale, jusqu’à devenir en 2005 secrétaire du comité du Parti communiste du Zhejiang. Il est alors directement sous les ordres de Xi Jinping, à l’époque secrétaire général de cette province côtière, avec qui il noue des liens étroits. Li Qiang devient gouverneur du Zhejiang fin 2012 avant d’être promu en 2016 à la tête de la province du Jiangsu pour combler le vide politique provoqué par un scandale de corruption. Un an plus tard, il devient secrétaire général de Shanghai.
Pragmatisme économique
À la tête de la capitale économique du pays, Li Qiang multiplie les politiques pro-business et conforte une réputation de pragmatique aux approches libérales, déjà développée lors de ses années à la tête du Zhejiang où il ne cachait pas son soutien à l’économie privée et aux hommes d’affaires. « Il était un ardent défenseur d’une plus grande ouverture du marché aux investisseurs étrangers et a exhorté la bureaucratie locale à créer un environnement propice aux affaires lorsqu’il était à la tête de Shanghai », explique Wang Feng, président du groupe de services financiers Ye Lang Capital, au South China Morning Post.
L’agence Reuters rappelle que Li a poussé à une plus grande intégration économique de la région du delta du Yangtsé et a supervisé l’expansion de la zone de libre-échange du centre financier qui abrite désormais l’usine chinoise de Tesla ainsi qu’un grand nombre d’entreprises de semi-conducteurs. Il a joué un rôle clé dans l’arrivée du constructeur automobile américain à Shanghai, sa première usine en dehors des États-Unis. Mais s’il est vu dans certains milieux comme un profil plutôt libéral, prêt à contourner les règles, la BBC s’interroge : va-t-il poursuivre dans cette direction, ne craignant pas de prendre des initiatives parce qu’il a le soutien de Xi, ou abandonner son approche pragmatique pour rentrer dans le rang, à l’ombre d’un président qui veut remettre l’État au centre de l’économie chinoise ?
Or, sur ce sujet prioritaire, les dossiers ne manquent pas. Le Premier ministre devra s’atteler à relancer une machine grippée par la pandémie de Covid, la crise de l’immobilier, un ralentissement de la demande extérieure, la vague de protectionnisme à travers le monde, une population vieillissante et une main d’œuvre en recul… Un défi de taille, même pour celui qui est présenté comme un gestionnaire efficace. D’autant que se pose la question de la marge de manœuvre dont il disposera réellement, Xi Jinping s’étant réapproprié certaines prérogatives du Premier ministre.
Son prédécesseur Li Keqiang en a fait les frais, avec ses projets de réformes entravés par l’autorité grandissante du président. Des désaccords qui l’ont poussé vers la sortie et ne devraient plus être un problème avec le nouveau numéro deux. Les analystes voient dans cette nomination un choix stratégique de la part du leader chinois : consolider sa mainmise sur l’appareil d’État en évinçant les contradicteurs pour les remplacer par des proches. Et ce malgré les critiques dont il a fait l’objet dans la gestion du confinement de Shanghai l’année dernière.
La mise sous cloche très stricte de la ville la plus peuplée de Chine durant deux mois avait provoqué des difficultés d’approvisionnement en nourriture et en soins médicaux essentiels pour ses 25 millions d’habitants. Une situation qui avait provoqué la colère des Shanghaiens, sur les réseaux sociaux, mais aussi parfois dans la rue. Pendant le verrouillage de la mégalopole, Li était apparu à plusieurs reprises dans les médias d’État, visitant des complexes résidentiels et des hôpitaux en martelant la ligne du parti avec sa politique « zéro-Covid ».
Loyauté
Ce désastre n’a pas pour autant freiné son ascension politique. Ce qui faire dire aux experts que sa proximité avec Xi Jinping est le facteur clé de cette promotion au plus haut sommet de l’État. « S’il fallait une preuve que la loyauté l’emporte sur la méritocratie dans la Chine de Xi, la promotion de Li Qiang en est une », explique Richard McGregor de l’institut Lowy de Sydney, en Australie, à l’AFP. « Li est peut-être suffisamment compétent et pourrait faire un bon Premier ministre, mais il est difficile de comprendre comment il en est arrivé là autrement que par les faveurs personnelles de Xi. »
Cette relation avec le président pourrait l’avantager. Car contrairement à Li Keqiang – considéré comme un rival et non comme un protégé de Xi –, le nouveau Premier ministre a la confiance de son mentor et pourrait donc s’avérer plus influent. « Xi Jinping n’a pas à s’inquiéter du fait que Li Qiang devienne un pôle de pouvoir concurrent », estime Ho Pin, journaliste et observateur de la politique chinoise, interrogé par Associated Press. « La confiance entre eux permet également à Li Qiang de travailler de manière plus proactive et de partager ses inquiétudes, et il donnera directement à Xi beaucoup d’informations et de suggestions. » Reste à savoir s’il usera de cette influence, car Li Qiang est avant tout vu comme un fidèle exécuteur de la volonté de Xi Jinping.
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