Les chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se sont réunis en sommet exceptionnel à Abjua le 24 février 2024. Ils ont notamment décidé de lever toutes les sanctions économiques qui frappaient le Niger depuis le coup d’État militaire du 26 juillet 2023, et cela avant même d’avoir obtenu la libération du président déchu Mohamed Bazoum, alors qu’un bras de fer s’était engagé autour de son cas. Les dirigeants de la Cédéao ont également évoqué le départ du Burkina, Mali et Niger, annoncé le 28 janvier. Dans son communiqué final, la Cédéao mêle gestes d’apaisement et argumentation financière pour leur demander, encore et toujours, de rester.
Le dialogue de sourd se poursuit. Un mois après leur annonce fracassante, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a encore « exhorté » le Mali, le Niger et le Burkina Faso « à reconsidérer leur décision ». La Cédéao compte même engager des échanges avec l’Union africaine (UA), l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), les Nations unies et d’autre partenaires internationaux ou bilatéraux pour « convaincre les trois États membres de rester ».
La Cédéao rappelle toujours les modalités de départ prévues par son Traité révisé, avec notamment un délai d’un an.
Il y a trois semaines, les trois pays avaient pourtant déjà réitéré « le caractère irréversible » de leur décision et avancé des arguments juridiques prouvant, à leurs yeux, la caducité des textes officiels : départ « sans délai », un point c’est tout.
Levées des sanctions et plaidoyer financier
Pour continuer de plaider le maintien, la Cédéao a mis fin samedi aux sanctions qui frappaient le Niger. C’est le geste le plus notable. Elle a aussi accepté de lever les restrictions imposées au recrutement de Maliens pour des postes au sein des institutions communautaires. Un geste moins fort mais, plus que jamais, c’est l’intention qui compte ici.
Côté portefeuille et développement, le communiqué final de la Cédéao détaille également tous les financements et programmes en cours dont les trois pays sahéliens devraient être privés en cas de retrait : 230 millions de dollars pour le Programme régional d’appui à la résilience des systèmes alimentaires, 215 millions de dollars pour le Programme régional d’appui au pastoralisme au Sahel, plus de 100 millions de dollars pour le Projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel…
La Cédéao rappelle également que 100 millions de dollars ont déjà été donnés pour lutter contre le terrorisme et que d’autres financements avaient été alloués. À chaque fois, la Cédéao prend soin de préciser que les sommes indiquées concernent spécifiquement les trois pays.
Liberté de circulation
Autre message, adressé plus directement aux citoyens maliens, nigériens et burkinabè : tous « cesseront d’utiliser » le passeport, la carte d’identité nationale biométrique et l’assurance automobile « carte brune » de la Cédéao, ce qui « affectera automatiquement » leur statut « en matière d’immigration », avec des implications en termes d’exigences de visa, de droit de résidence et de création d’entreprise.
Aucune allusion sur le filet de sécurité que représente à ce sujet l’espace Uemoa, dont les trois pays sahéliens sont toujours membres. Pour rappel, l’Uemoa ne compte que 8 pays sur les 15 de la Cédéao, mais dispose en son sein des mêmes facilités de circulation. Les chefs d’État de l’Uemoa se sont également réunis samedi dernier à Abuja, lors d’un sommet parallèle à celui de la Cédéao. De source interne, le sujet a bien été abordé mais l’organisation monétaire n’a pas encore publié son communiqué final et n’a jusqu’ici jamais réagi à l’annonce du retrait des trois pays sahéliens de la Cédéao.
La Cédéao cite enfin les 47 projets menés par la Banque d’investissement et de développement de la Cédéao (BIDC) et par la Banque ouest-africaine de développement de l’Uemoa (BOAD), chiffrés à plus de 300 millions de dollars.
Ce plaidoyer sera-t-il suffisant pour convaincre les dirigeants du Mali, du Niger et du Burkina de rester dans la Cédéao ? La communauté ouest-africaine tente-t-elle surtout d’alerter l’opinion publique de ces trois pays sur les risques que comporte un tel retrait ?
Aucun des trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) n’a en tout cas réagi à ce stade.
Partager