Trois jours après le terrible tremblement de terre qui a frappé le centre du pays, les secours sont toujours engagés dans une course contre-la-montre pour retrouver d’éventuels survivants sous les décombres. Mardi matin, le bilan dépassait déjà les 2800 morts. Le tremblement de terre survient en pleine saison touristique, secteur crucial pour l’économie marocaine qui commençait à peine à sortir la tête de l’eau après la pandémie.
« Marrakech tourne grâce au tourisme. S’il n’y a plus de touristes, les gens ne travaillent pas et ils ne pourront plus manger. Je pense à tous mes amis qui ont des hôtels, des maisons d’hôtes : la pire des choses, ce serait de ne pas les faire travailler. Pour eux ce serait presque pire qu’un séisme. » Les propos de cette habitante de Marrakech recueillis par RFI dès dimanche résument l’inquiétude de nombreux habitants des régions sinistrées qui craignent qu’une fois la poussière retombée de constater qu’ils ont perdu aussi leur principale source de revenu.
À ce stade, les professionnels du secteur que RFI a pu contacter se veulent plutôt rassurants et n’observent pas de vague d’annulations. Mais pour comprendre pourquoi une habitante de Marrakech en arrive à dire que l’absence de touristes serait presque « pire qu’un séisme », il faut bien comprendre l’importance du secteur pour le Maroc et pour la région de Marrakech en particulier. Des pays du Maghreb, le Maroc est celui qui dépend le plus fortement du tourisme : avant la pandémie le secteur représentait entre 8 et 10 % du PIB, et faisait vivre près d’un Marocain sur 10. C’était aussi une source de devises, d’après les analystes de BNP Paribas les revenus du tourisme représentaient 15 % des recettes courantes.
Un secteur qui avait déjà beaucoup souffert de la pandémie
Des performances qui se conjuguent à l’imparfait parce que le tourisme avait déjà beaucoup souffert de la pandémie de Covid-19 : en 2020 le tourisme avait connu une chute vertigineuse : 80 % de touristes en moins par rapport à 2019. La situation s’était à peine améliorée en 2021. Le vrai rebond a commencé l’an dernier : Il y a eu en 2022… Onze millions de voyageurs, soit un peu plus de 80 % des 13 millions de touristes recensés en 2019 avant le Covid. 2023 devait être l’année de la confirmation, du retour à la normale. Le gouvernement a fourni beaucoup d’efforts pour faire revenir les touristes, au début de l’année Rabat s’était même réjoui d’avoir dépassé les records de fréquentation d’avant Covid. Ce séisme arrive donc au pire moment, à quelques semaines du pic de la saison touristique à Marrakech fin septembre.
La situation est d’autant plus inquiétante que Marrakech se trouve être la région la plus touristique du pays. À elle toute seule, la ville de Marrakech attire un touriste sur quatre au Maroc. Si la vieille ville et les allées labyrinthiques de la Médina qu’arpentent chaque année des millions de touristes ont été relativement préservées, les régions montagneuses au sud de Marrakech ont-elles été particulièrement touchées.
Une région pauvre, prisées des randonneurs et des trekkeurs
Les images et les témoignages qui nous parviennent laissent deviner l’ampleur des dégâts. Non seulement les habitations sont à terre mais aussi les villages et les bivouacs qui accueillaient trekkeurs et randonneurs en été et les skieurs en hiver. Or cette région pauvre du Maroc est particulièrement dépendante du tourisme. S’il y a peu d’annulations d’après les agences de voyage, en revanche les séjours prévus dans cette région sont redirigés vers d’autres provinces du Maroc épargnées par le séisme. L’urgence c’est de retrouver des survivants et il est évidemment hors de question d’encombrer les routes au moment où les secours peinent toujours à rejoindre certains villages isolés. Puis viendra le temps du deuil et de la reconstruction. Mais dans un troisième temps, la question du retour des touristes dans ces régions montagneuses va se poser aussi, celle du soutien aux habitants privés de leur principale source de revenus aussi.
Pour cela le Maroc devrait pouvoir compter sur les Marocains de la diaspora. D’après les chiffres du ministère du Tourisme, les Marocains Résidents à l’Étranger représentent depuis dix ans près de la moitié des touristes recensés chaque année. Le pays a fait de gros efforts pour développer le tourisme interne : ils étaient presque 8 millions l’an dernier, plus qu’avant la pandémie. À voir les démonstrations de solidarité de la diaspora marocaine ces derniers jours on a toutes les raisons de penser que les Marocains de l’étranger continueront à être au rendez-vous.
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