Dans une note publiée jeudi, Article 19 informe avoir documenté, ces derniers temps, un certain nombre de violations et de restrictions du droit à la liberté d’expression au Sénégal.
« Le 10 juin 2022, Abdou Bara Dolly, membre du parlement d’alors, a été arrêté suite à des propos critiques qu’il a tenus à l’encontre du président Macky Sall lors d’une manifestation des deux (2) coalitions de l’opposition (Yewi Askan Wi et Wallu Askan Wi) à Dakar. Il a été inculpé et placé sous mandat de dépôt pour les délits d’offense au chef de l’état (article 80 du code pénal), de diffusion de fausses nouvelles (article 255 du code pénal), et de diffamation (article 258 du code pénal) », rappelle le document qui indique qu’après presque un mois de détention, il a finalement obtenu la liberté provisoire le 8 juillet 2022 mais reste tout de même à la disposition de la justice pour son procès.
L’organisation fait également état de l’arrestation, le 3 août 2022, de Pape Ibra Guèye, plus connu sous le nom de Papito Kara. L’activiste politique, a été arrêté pour le délit de diffusion de fausses nouvelles, mais aussi pour « effacement, modification, fabrication et introduction de données informatiques », suite à des plaintes de groupes de médias. Quelques jours plus tard, lit-on dans le document, « un autre activiste et membre d’un groupe appelé Mafia Cacc Cacc, Outhmane Diagne a été arrêté et placé en détention pour avoir diffusé de fausses nouvelles et pour avoir changé la Une des journaux. Cela s’est produit après qu’il ait partagé les premières pages de journaux satiriques sur sa page Facebook, accompagnées de trois ‘’emojis’’ en forme de smiley ».
Le placement en 8 garde à vue d’Abdou Karim Guèye alias Xrum Xaax et de Cheikh Oumar Diagne suite à des propos tenus lors d’une émission de télévision diffusée après le décès de l’imam Alioune Badara Ndao, fait également partie des « cas » répertoriés par Article 19. Poursuivant, le document explique que « les deux prévenus ont accusé l’État d’être à l’origine de la maladie de l’imam Ndao. Ils ont été placés en détention depuis le 12 septembre et poursuivis pour « diffusion de fausses nouvelles » ». Actuellement, Pape Ibra Guèye, tout comme Outhmane Diagne, Abdou Karim Guèye et Cheikh Oumar Diagne sont tous en détention », constate Article 19.
« Toute personne a droit à la liberté d’expression »
Selon David Diaz-Jogeix, Directeur Principal des programmes à ARTICLE 19, »cette tendance des autorités sénégalaises à refuser toute critique et à museler les voix dissidentes et la liberté d’expression bafoue les principes fondamentaux de la démocratie. L’effet paralysant et dissuasif de ces pratiques sur les activistes, les organisations de la société civile, les médias et autres, encourage l’autocensure ».
Pour lui, les valeurs fondamentales de la démocratie et des libertés que le pays a mis des années à acquérir doivent être préservées. Article 19 rappelle aux autorités sénégalaises leur obligation découlant de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui prévoit que : « Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ».
Dans le même sillage, Article 19 rappelle, également, aux autorités sénégalaises « que les restrictions à la liberté d’expression ne sont admissibles que si elles respectent strictement le test en trois parties établi par l’article 19(3) du PIDCP. Elles doivent répondre au critère de légalité (qui exige que la base juridique de la restriction soit claire, accessible et prévisible), poursuivre un but légitime, et être nécessaires et proportionnées pour atteindre ce but ». Cette organisation qui œuvre pour la liberté d’expression d’ajouter que la criminalisation d’une expression protégée telle que la satire, la critique envers l’Etat ou les agents publics constitue une violation de l’article 19. En outre, « le principe de proportionnalité exige que la pénalisation de l’expression soit toujours exceptionnelle et de dernier recours et que les restrictions du droit à la liberté d’expression » doivent être l’instrument le moins intrusif parmi ceux qui peuvent remplir leur fonction de protection ».
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