En Afrique du Sud, les résultats officiels ont été proclamés dans la soirée ce dimanche 2 juin. Le Congrès national africain, au pouvoir depuis 1994, a perdu la majorité absolue pour la première fois. L’ANC va donc devoir trouver un ou des partis partenaires pour former une coalition à l’Assemblée nationale et faire élire son candidat : le président sortant Cyril Ramaphosa, qui brigue un second mandat.
Ce dimanche 2 juin, à Midrand en Afrique du Sud, les résultats officiels des élections générales ont été proclamés au Centre national des résultats électoraux, en présence de tous les partis politiques, des membres du gouvernement, du corps diplomatique. Même des membres du parti MK de Jacob Zuma, qui conteste ces résultats et avait annoncé boycotter l’événement plus tôt dans la journée, étaient présents dans l’assemblée, décrit notre correspondant sur place, Romain Chanson.
« Les élections 2024 ont été libres et justes, a déclaré le directeur de la commission électorale. Notre démocratie a parlé. » Lors de sa prise de parole, le président sortant Cyril Ramaphosa, qui est apparu étonnamment détendu, a quant à lui salué des élections « libres, équitables, crédibles et pacifiques ». « Notre peuple s’est exprimé, que cela nous plaise ou non », a plaisanté le chef d’État, qui est aussi le président de l’ANC. « Nous devons respecter ses choix. »
Dans l’ordre, c’est donc le Congrès national africain (ANC) qui reste le premier parti politique avec 40% des voix – soit 159 sièges sur 400, une claque sévère par rapport aux 230 parlementaires qu’il comptait dans le Parlement sortant. Il est ensuite suivi de l’Alliance démocratique (DA), premier parti d’opposition et parti libéral, avec 22% des voix (87 députés), puis du MK de Jacob Zuma – le parti uMkhonto weSizwe – qui reçoit 15% des voix (58 parlementaires), un score sidérant pour une formation fondée il y a seulement quelques mois. L’EFF de Julius Malema, un parti de gauche radicale, obtient quant à lui 9% des voix.
Quatorze jours pour former une coalition
Désormais, les partis politiques ont quatorze jours pour s’entendre et former une coalition. Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a d’ailleurs appelé toutes les forces politiques à « travailler ensemble », après l’annonce des résultats officiels. « L’ANC s’engage à former un gouvernement […] stable et capable de gouverner efficacement », a déclaré son secrétaire général Fikile Mbalula, en précisant que le parti mènerait des discussions en interne et avec d’autres partis « ces prochains jours ».
Le Parlement doit en effet ouvrir une nouvelle session d’ici deux semaines et élire le chef de l’État. Mais deux semaines pour former une coalition représente un temps très court pour un pays qui découvre les gouvernements de coalition à l’échelle nationale.
L’Afrique du Sud a reçu l’aide de pays européens comme l’Allemagne ou le Danemark pour entrer efficacement dans cette nouvelle ère. Les pourparlers entre partis doivent s’intensifier dès ce lundi. Il n’y a pas de temps à perdre : les Sud-africains veulent savoir qui va les gouverner.
Quels scénarios possibles ?
Après ce séisme politique, l’ANC doit désormais forger des alliances et trouver des alliés parmi les trois têtes de l’opposition. Le parti pourrait composer une coalition sur sa droite, avec la DA, qui rassurerait le monde des affaires notamment, ou sur sa gauche radicale, avec le MK de Zuma ou l’EFF de Julius Malema, deux ex-figures de l’ANC ayant fait sécession. Toutefois, le MK a fait savoir qu’il ne discuterait pas avec l’ANC tant que Cyril Ramaphosa resterait à sa tête.
« Il y a deux scénarios : l’ANC avec l’Alliance démocratique. Il y a une faction au sein de l’ANC qui est pour une alliance avec ce parti libéral, plus à droite. Ou, deuxième scénario : l’ANC avec l’EFF et MK, mais ces deux partis ne sont pas à l’aise avec Cyril Ramaphosa. Jacob Zuma à la tête de MK est techniquement encore membre de l’ANC, et a d’ailleurs dit que l’ANC sous Ramaphosa n’est pas la vraie ANC, et que lui Zuma a dû former son propre mouvement à des orientations politiques qu’a donné Ramaphosa à ce parti », analyse le chercheur Harlan Cloete, de l’université du Free State au micro d’Alexandra Brangeon.
« L’autre question est : que va-t-il arriver au président Cyril Ramaphosa ? Parce qu’il y a une faction au sein de l’ANC qui l’accuse d’avoir provoqué la chute du parti au pouvoir. Et aujourd’hui, il n’est plus d’une grande utilité, donc certains disent : peut-être faut-il qu’on le remplace et qu’on trouve quelqu’un d’autre », ajoute le spécialiste.
La DA et le EFF envisagent les conditions pour une coalition
Certains partis réfléchissent déjà au bien-fondé d’une coalition avec l’ANC. C’est le cas de la DA, qui a annoncé ce dimanche des « discussions exploratoires » avec d’autres partis, pour « identifier des options » afin d’éviter à tout prix une coalition « du chaos » entre l’ANC et deux partis sur sa gauche radicale.
Plus direct, le parti de gauche radicale des Combattants pour la liberté économique (EFF), de Julius Malema, a déjà exprimé publiquement son envie de travailler avec l’ANC lors d’une conférence de presse. Cette alliance devient très probable, selon le politologue Ongama Mtimka, de l’université de Nelson Mandela Bay.
« Je pense que Julius Malema a réalisé un coup de maître en faisant le premier pas, comme une ouverture aux échecs, dans le sens où il ouvre une voie qui prend ses distances avec le parti MK. Il dit aussi qu’il ne se soucie pas de qui serait le président. Cyril Ramaphosa est le président de l’ANC ? Il dit : peu importe, ça ne nous regarde pas. Ensuite, il a dit à ses électeurs : on n’a pas besoin d’être d’accord sur tout avant la date limite des quatorze jours pour former une coalition », explique le chercheur.
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