Alors que les talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan, il y a deux ans jour pour jour, le 15 août 2021, Khatera Amine est aujourd’hui privée de lieu d’apprentissage et d’écoute. Militant pour le droit des femmes à Kaboul, elle a créé une école clandestine pour filles en zone rurale et continue de se battre pour ses droits et ceux des Afghans. Cette jeune femme a vu sa vie s’écrouler lorsque les groupes armés se sont emparés de la capitale. Entretien.
RFI : De quelle manière votre vie a-t-elle changé depuis l’arrivée au pouvoir des talibans ?
Khatera Amine : C’est un jour noir pour toutes les femmes afghanes en Afghanistan, parce que nous sommes interdites d’école, d’université, de salon de beauté. Nous sommes interdites de travailler. Nous sommes interdites de tout. Ma vie a vraiment changé lorsque les talibans sont revenus au pouvoir en Afghanistan, parce qu’en tant que femme leader, j’avais de grands rêves pour ma société, j’avais tant de projets pour faire évoluer la situation des femmes afghanes en Afghanistan, je me suis toujours battue pour la liberté et l’égalité. J’ai toujours voulu une société démocratique pour le peuple afghan, en particulier pour les femmes.
Nous souhaitons tous faire l’expérience d’une société vraiment démocratique. C’est donc très difficile pour moi de ne pas participer à des activités politiques en Afghanistan, de voir et d’observer comment les femmes sont traitées par les talibans. C’est vraiment difficile pour moi que le régime actuel me dise ce que je dois faire et ce que je dois porter. Nous n’avons aucun droit; car les talibans ont toujours traité les femmes afghanes comme des citoyennes de seconde zone, notre crime étant d’être une femme. J’ai l’impression d’être en prison et que quelqu’un est venu me dire que j’étais punie parce que j’étais une femme. Alors oui, tout a changé et ma vie a changé. Aujourd’hui, je suis une femme qui passe tout son temps à la maison et qui ne participe à aucune activité pour l’avenir de mon pays.
Comment la population vit-elle ce retour au pouvoir des talibans ?
Les problèmes de santé mentale sont très répandus parmi les femmes afghanes. Je suis témoin du fait que certaines personnes se sont suicidées parce qu’elles avaient perdu tout espoir et qu’elles n’avaient pas l’impression d’avoir d’autre choix. Beaucoup de femmes pensent qu’elles ne peuvent plus vivre dans une société où elles sont bannies de tout, elles ne peuvent littéralement plus rien faire. Le régime en place nous dit ce qu’il faut faire et comment le faire, où aller, avec qui, à quelle distance, combien de temps nous pouvons rester quelque part et quand se marier. Le régime actuel interfère dans toutes les activités des femmes afghanes.
Le sentiment de la jeunesse afghane ? Nous sommes déçus. En tant que jeune leader, quand je rends visite aux femmes dans différentes parties de l’Afghanistan, je vois qu’il n’y a pas d’espoir parmi elles, ni chez les jeunes filles, ni même chez les enfants. Parce qu’elles comprennent et acceptent que le régime actuel ne permet pas à toutes les femmes de s’impliquer dans la vie publique, ou de participer à des activités civiles et d’agir en tant qu’être humain et en tant qu’Afghane dans leur propre société.
Pourquoi continuer à vous battre pour les droits des femmes ?
Les droits de l’Homme, et en particulier ceux des femmes, sont bafoués en Afghanistan. Les femmes afghanes sont toujours traitées comme des citoyennes de seconde zone. Les femmes afghanes sont toujours privées de leurs droits légaux, elles sont toujours torturées par des groupes armés qui veulent diriger le pays. Il est de notre devoir, en tant que défenseur des droits de l’Homme et des droits des femmes, de protéger les femmes qui souffrent. Je milite pour les droits de l’Homme et les droits des femmes en Afghanistan parce que nous voulons un Afghanistan libre, nous voulons une société libre où nous vivrions librement, où nous ferions nos propres choix. Le rêve de chaque femme en Afghanistan est d’être libre et de vivre libre sans aucune restriction conçue par le gouvernement, par les groupes armés ou par leur famille. Nous voulons la paix. Nous voulons la liberté et nous voulons une société pleine de respect et d’humanité.
Mais je suis heureuse d’au moins, même maintenant, pouvoir faire quelque chose pour les filles en Afghanistan : j’ai encore de l’espoir, il y a des gens et des personnes qui nous écoutent et qui peuvent comprendre notre souffrance. Tout ce que je demande, c’est d’écouter les femmes afghanes : montrez votre solidarité avec les femmes afghanes, faites preuve de sagesse à l’égard des femmes afghanes, nous avons besoin de votre soutien.
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