3e Mandat : Le jour où Macky raisonnait le président Burundais sur les dangers

C’était en février 2016. La tension est vive au Burundi. Le Président Pierre Nkurunziza s’accroche á un troisième mandat. Et il suffit d’une étincelle pour que le pays s’embrase, avec en toile de fond une guerre ethnique entre hutus et tutsis. Alors l’Union africaine décide d’envoyer une délégation de haut niveau pour tenter de raisonner le Président Nkurunziza. Parmi la délégation le Président Macky Sall (Sénégal), le Président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, le Président Jacob Zuma (Afrique du Sud), Ali Bongo Ondiba (Gbon) et votre serviteur qui a voyagé á bord de l’avion Présidentiel sénégalais. Ce jour-là, á Bujumbura, les temps sont tristes, les visages sont tendus, les nerfs sont à fleur de peau. Le Pays plongé dans une crise depuis 10 mois est au bord de l’implosion. Il y a du pourrissement et de la tragédie en l’air. Alors, l’on essaie de faire bonne figure avec l’arrivée de cet hôte de marque le Président de la République Macky Sall, venu donner de la force d’âme à un de ses pairs, Pierre Nkurunziza qui s’accroche à un troisième mandat, malgré les réticences exacerbées de ses adversaires politiques, des mouvements de la société civile et même de la communauté internationale. Bujumbura a chaud, à l’image de ce batteur de gros tambour traditionnel torse nu, dont le visage est embué de sueur à l’accueil du chef de l’Etat sénégalais, arrivé mercredi en médiateur vers les coups de 22h15 heure locale (20h15 Gmt).

L’avion présidentiel, Pointe Sarène s’est figé de tout son long sur le vaste tarmac. Un long tapis rouge est étalé sur le périmètre de circulation des deux présidents. Mais dans ce pays où tout est calculé à la minute près pour éviter un coup d’éclat. Pas le temps de jouer les hymnes nationaux. Dommage, il y avait tout pour. Il faudra repasser quand le ciel sera plus clément. Mais dans cette atmosphère de malaise général, le Président et commandant suprême des forces de la défense et de sécurité Pierre Nkurunziza ne laisse rien apparaître de la situation difficile que vit le Burundi. Il est vêtu d’un costume sombre, chemise blanche sur une cravate de sang. Il sourit à ses partisans, s’avance à pas feutrés sur le long tapis rouge dressé sur le chemin du Président Sénégalais. Les deux hommes se font face, s’observent, se serrent les mains, font une accolade dans une ambiance bon enfant. Les garde-corps sont sur les dents, ils serrent de près le Président Burundais. Il fait nuit et l’aéroport de Bujumbura est mal éclairé. Une certaine pénombre qui ne gêne pas les quelques sénégalais qui ont bravé le climat de tension règnant dans la ville pour venir apercevoir Macky, crier son nom et repartir sous bonne escorte. Pour l’instant, le convoi long comme un chapelet de plusieurs véhicules 4X4 a du mal à se frayer un chemin.

La crise est palpable au sortir de l’aéroport où des militaires mitraillettes à la main, d’autres juchés sur des pick-up munis de (12-7) veillent au grain. C’est dans ce contexte tendu que les deux Présidents ont pris leur temps pour un tête-à-tête qui a duré plus d’une trentaine de minutes dans le salon d’honneur de l’Aéroport. Puis sous les hurlements des sirènes, le convoi s’est ébranlé en direction de la ville. Une cité fantôme. Bujumbara ne sort plus, la ville fêtarde ne danse plus, ne s’éclate plus. Tout court. C’est qu’elle n’a plus le temps de préparer la fête. Elle essaie de construire une paix et une stabilité qui la fuient depuis 10 mois. Le décor dans les rues, d’un calme de cimetière laisse présager le pire. Le calme avant la tempête. «Regardez, il n’y a personne dehors, même pas de chien ou de chat, on ne croise personne», raille un caméraman. Le convoi file toutes sirènes hurlantes dans une rue où il faut apprivoiser les flaques d’eau, négocier avec les check-points installés par endroits le long du trajet. Bujumbura se terre dans ses tours d’immeubles, ses maisons style anglais de la classe moyenne. Impossible de croiser âme qui vive. «Les gens ont peur de sortir et comme les rassemblements sont interdits, les magasins ferment tôt, pour éviter de payer les pots cassés en temps de chaos», souffle un observateur. La délégation sénégalaise arrive enfin à son hôtel. Malgré l’heure tardive, 00heures, le Président Pierre Nkurunziza tient à installer le Président Sénégalais jusque dans la loge présidentielle qui lui est réservée. L’homme n’a pas le masque des mauvais jours, il sourit, souhaite à la presse sénégalaise la bienvenue escortée par des sbires qui sont tendus. Après 5531 Km, le chef de l’Etat qui cette fois-ci n’est pas accompagnée de son épouse s’entoure de ses conseillers diplomatiques pour préparer les négociations où le Sénégal compte peser de tout son poids. La question est de savoir si Jacob Zuma qui a déjà endossé le costume de Zorro dans la sous-région lui laissera le temps. Bujumbura a peur, très peur. Puisqu’elle connait son présent mais son futur l’angoisse.

Kinkelibaa.info MOR TALLA GAYE (ENVOYE SPECIAL AU BURUNDI)

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